vendredi 10 août 2007

Au Manoir du Tronchay

LOUISE DU NEANT

Essai mythobiographique I.

Je suis né comme Louise sur cette micro chaîne des puys faite de minuscules volcans où les romains avaient établi des camps pour séparer et surveiller Andes et Pictons. Les saints et les vierges noires y pullulent. Je ne sais si je deviendrai un saint, mais nul doute que Louise du Néant soit ma soeur. La famille de Bellère du Tronchay de la Ragotrye a disparu, mais il suffit de faire une neuvaine à Saint Jude en déposant neuf photocopies tremblées des invocations dans les confessionnaux de neuf églises sur neuf puys pour s'apercevoir que la sainteté n'a pas disparu. ( Saint Flivo , patron des renards, ça m'irait bien.) ( pour voir le manoir qui vit la naissance de Louise, allez sur géoportail et tapez " Le petit Tronchay". C'est là.).

Cette mère aux seins arides l'avait donnée à la fermière empuantie et ainsi privée des souvenirs olfactifs du colostrum inaugural. La première culpabilité de Louise était là : avoir pris plaisir à s'introduire dans la bouche le phallus galactophore d'une mère qui n'était pas la sienne. Quatre avents et quatre Saint Marc plus tard, ce fut le doigt ensanglanté de son frère Lazare, ce dadais de treize ans, pervers comme un adolescent morveux. Depuis, Louise restait souvent prostrée dans un angle sombre de la aula, à l' opposé à la tenture qui cachait le mobilier de literie. Messire Pierre, son père , rabroué une fois encore par M. de la Jumellière était ce soir là passé d'abord par le cellier pour boire, par l'office pour trousser une servante, avant de monter à l'étage pour battre sa mère. La gamine qui gémissait dans son coin l'avait énervé et il l'avait chassée à coups de poing et de botte sous les rires niais de François, le frère aîné taré qui dispersa pendant des années sa semence contre les pierres de tuffe et s'enduisant du jus des briques de terre, jusqu'à ce qu'on le marie dans le sud du Poitou à une fille sans dot qu'il n'honora jamais. Louise se précipita vers les cuisines, mais il n'y régnait que cris, rancoeur et vengeance. Ce jour là elle traversa donc la cour sous la pluie et se réfugia dans une soue inoccupée. L'obscurité lui fit du bien. Elle gratta le mur de falun et en retira sous ses ongles quelques dizaines de minuscules débris de coquillages qu'entre deux averses elle étudia au soleil, en les étalant sur une feuille de roquette disputée aux poules. Louise se souvint alors qu'elle était une enfant, elle sourit et joua avec bonheur, mais elle trouva bientôt que ses ongles étaient coupables de lui donner ce bonheur. Plus tard certes il y eut le plaisir et la douleur comme averses de poix brûlante sur le dos des damnés , mais de bonheur point... Elle entendit la cloche des bénédictines de Villeneuve et se hâta de rentrer. Messire son père criait toujours, il avait coutume de crier jusqu'à ce qu'il ronflât.

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